L’expression « septième art » désigne aujourd’hui communément le cinéma. Forgée au début du XXe siècle, elle visait à légitimer ce nouveau médium comme forme artistique à part entière. Retour sur la genèse et l’impact de cette appellation qui a profondément marqué l’histoire du cinéma.
Naissance d’une expression visionnaire
C’est au critique et théoricien italien Ricciotto Canudo que l’on doit l’invention du terme « septième art » en 1911. Dans son Manifeste des Sept Arts publié en 1923, il présente le cinéma comme la synthèse des six arts précédents : architecture, sculpture, peinture, musique, danse et poésie. Pour Canudo, le cinéma représente l’aboutissement logique de l’évolution artistique, capable d’englober et transcender les formes d’expression antérieures.
Cette conception s’inscrit dans le contexte des avant-gardes du début du XXe siècle, qui cherchaient à redéfinir les frontières entre les disciplines artistiques. En qualifiant le cinéma de « septième art », Canudo lui conférait une légitimité culturelle à une époque où il était encore largement considéré comme un divertissement populaire sans prétention artistique.
Un outil de légitimation culturelle
L’expression « septième art » a joué un rôle crucial dans l’élévation du statut du cinéma au rang des beaux-arts. Elle a permis de :
- Affirmer la spécificité du langage cinématographique
- Justifier l’étude académique du cinéma
- Encourager une approche plus ambitieuse de la création filmique
- Attirer des artistes issus d’autres disciplines vers le cinéma
Cette volonté de reconnaissance artistique s’est notamment manifestée à travers le mouvement des ciné-clubs dans les années 1920, qui promouvaient une approche intellectuelle et esthétique du cinéma. L’appellation « septième art » a ainsi contribué à façonner toute une culture cinéphile, particulièrement influente en France.
Un concept à double tranchant
Si l’expression « septième art » a indéniablement servi la cause du cinéma, elle n’est pas exempte de critiques. Certains lui reprochent de :
- Minimiser la dimension industrielle et commerciale du cinéma
- Encourager une vision élitiste au détriment du cinéma populaire
- Figer le cinéma dans une hiérarchie artistique dépassée
De plus, l’avènement du numérique et la multiplication des formats audiovisuels remettent en question la pertinence d’une classification rigide des arts. Le cinéma contemporain se caractérise davantage par son hybridité et sa porosité avec d’autres formes d’expression que par son statut d’art autonome et supérieur.
Le septième art à l’ère des séries
L’essor des séries télévisées de qualité depuis les années 2000 brouille encore davantage les frontières entre cinéma et autres formats audiovisuels. On assiste à un véritable exode des talents cinématographiques vers le petit écran, attirés par la liberté créative et narrative qu’offrent les séries.
Ce phénomène interroge la pertinence de maintenir une distinction nette entre septième art et production télévisuelle. Les séries s’imposent désormais comme un terrain d’expérimentation artistique majeur, capable d’attirer les plus grands noms d’Hollywood. Cette évolution invite à repenser les catégories artistiques héritées du début du XXe siècle pour mieux refléter la réalité de la création audiovisuelle contemporaine.
Un héritage toujours vivace
Malgré ces évolutions, l’expression « septième art » reste profondément ancrée dans le langage et l’imaginaire collectif. Elle continue de véhiculer une certaine idée du cinéma comme art total, capable de susciter émotion et réflexion. Son usage persistant témoigne de l’impact durable qu’a eu cette appellation sur la perception du cinéma.
Plus qu’une simple formule, le « septième art » incarne toujours un idéal artistique qui pousse les cinéastes à explorer les possibilités uniques du médium cinématographique. Il rappelle que le cinéma, au-delà de son statut d’industrie du divertissement, reste un puissant vecteur d’expression créative et de questionnement sur le monde.
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