Sorti le 19 mars 2025 dans les salles françaises, « The Alto Knights » de Barry Levinson plonge dans les rivalités meurtrières entre Frank Costello et Vito Genovese, deux figures légendaires de la mafia new-yorkaise. Porté par Robert De Niro dans un double rôle, ce thriller historique explore comment la jalousie et les trahisons entre anciens amis ont précipité le déclin de la Cosa Nostra américaine.
Sommaire
Une fresque historique minutieuse
Situé dans le New York des années 1950, « The Alto Knights » reconstitue avec une précision documentaire l’âge d’or puis le déclin de la mafia italo-américaine. Le film s’articule autour de la rivalité entre Frank Costello, surnommé « le Premier Ministre du Crime », et son ancien protégé Vito Genovese, dont l’ambition démesurée conduira à une tentative d’assassinat en 1957.
Barry Levinson, réalisateur oscarisé pour « Rain Man » , s’attache à montrer comment cette lutte fratricide a finalement exposé au grand jour les rouages de la mafia, jusqu’alors protégée par l’omerta et la corruption institutionnalisée. Le film utilise judicieusement des images et films d’archives pour replacer le spectateur dans le contexte historique de l’époque, offrant une immersion convaincante dans l’Amérique des années 50.
Robert De Niro : un double rôle technique mais inégal
Pour Robert De Niro, « The Alto Knights » représente un retour aux personnages qui ont marqué sa carrière, de « Le Parrain 2 » à « Les Affranchis » . À 81 ans, l’acteur livre une performance contrastée, incarnant à la fois Frank Costello et Vito Genovese grâce à un important travail de maquillage et d’effets spéciaux.
Cette prouesse technique, bien qu’impressionnante, ne suffit pas toujours à convaincre. Son interprétation de Genovese, plus énergique et théâtrale, éclipse souvent celle de Costello, plus posée mais parfois trop effacée. Ce déséquilibre nuit par moments à la dynamique du film, notamment dans les scènes où les deux personnages doivent interagir, contraignant la mise en scène à des dispositifs statiques qui freinent le rythme du récit.
Le casting secondaire apporte néanmoins une épaisseur bienvenue au film :
- Debra Messing incarne avec subtilité Bobbie Costello, épouse et conseillère avisée
- Cosmo Jarvis livre une performance intense en Vincent Gigante, l’exécuteur aux ordres de Genovese
- Kathrine Narducci apporte profondeur et nuance au personnage d’Anna Genovese
Une mise en scène classique qui peine à se démarquer
Sur le plan formel, Barry Levinson opte pour une approche plus psychologique que spectaculaire. Sa réalisation, élégante mais sans audace particulière, privilégie l’exploration des caractères et des relations plutôt que les scènes d’action flamboyantes qu’on associe habituellement au genre.
Cette sobriété a ses mérites, notamment dans la reconstitution méticuleuse de l’époque, mais elle manque parfois de la tension nécessaire pour maintenir l’intérêt du spectateur sur la durée. La photographie de Dante Spinotti, avec sa palette de couleurs sombres dominée par des tons bruns et gris, crée une atmosphère oppressante qui sert efficacement le propos, mais ne suffit pas à compenser certaines longueurs narratives.
Les limites d’un concept ambitieux
L’un des problèmes majeurs du film réside dans les contraintes imposées par le double rôle de Robert De Niro. Cette prouesse technique limite considérablement les possibilités de mise en scène des interactions entre les deux protagonistes, aboutissant à des séquences souvent statiques et artificielles.
Plus fondamentalement, le scénario de Nicholas Pileggi (pourtant scénariste chevronné des « Affranchis » et « Casino ») peine à explorer la profondeur de l’amitié initiale entre Costello et Genovese avant leur rivalité. Cette lacune affaiblit l’impact émotionnel de leur trahison mutuelle, réduisant par moments le film à une chronique historique plutôt qu’à la tragédie humaine qu’il aspire à être.
Un film qui peine à trouver son rythme
La structure narrative souffre d’un déséquilibre : après un premier acte prometteur qui pose efficacement les enjeux et les personnages, le film s’enlise dans un deuxième acte répétitif avant de précipiter son dénouement. Ce rythme irrégulier nuit à l’immersion du spectateur et dilue la tension dramatique que le sujet aurait dû naturellement générer.
Les scènes les plus réussies sont paradoxalement celles qui s’éloignent des conventions du film de gangsters pour explorer les doutes et les failles de ces hommes de pouvoir confrontés à leur propre mortalité et à la fragilité de leur empire.
Un film testament malgré ses défauts
Malgré ses imperfections, « The Alto Knights » s’impose comme une œuvre crépusculaire qui résonne avec la filmographie de ses créateurs. Au-delà de son intrigue criminelle, le film peut se lire comme une réflexion mélancolique sur le vieillissement et la fin d’une époque, tant pour ces figures mafieuses que pour le cinéma qui les a immortalisées.
Cette dimension réflexive constitue sans doute l’aspect le plus touchant du film. En voyant De Niro revisiter, peut-être pour la dernière fois, ce type de personnage qui a défini sa carrière, on ne peut s’empêcher d’y voir une forme d’adieu à tout un pan du cinéma américain. Le film devient alors le témoin d’une double fin : celle de la mafia traditionnelle italienne et celle d’un certain âge d’or du cinéma de gangsters.
La transformation du crime organisé
L’aspect le plus intéressant du film, malheureusement sous-exploité, réside dans sa chronique de la modernisation forcée du crime organisé américain. La rivalité Costello-Genovese marque en effet un tournant décisif : la fin de l’ère des « gentlemen gangsters » relativement discrets et l’émergence d’une mafia plus exposée médiatiquement.
Cette transition, qui préfigure les bouleversements plus profonds que connaîtra le crime organisé dans les décennies suivantes, offre une perspective fascinante sur l’évolution des structures criminelles en parallèle des transformations sociales et technologiques de l’Amérique. Le film effleure cette dimension sans jamais l’explorer pleinement, manquant ainsi l’occasion d’apporter un éclairage véritablement original sur cette période charnière.
Fiche technique
- Réalisation : Barry Levinson
- Scénario : Nicholas Pileggi
- Photographie : Dante Spinotti
- Budget : 45 millions de dollars
- Durée : 2h02
- Date de sortie : 19 mars 2025 (France), 21 mars 2025 (États-Unis)
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